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L’éternel débat : quel est le meilleur statut pour les freelances ?

Dernière mise à jour : @September 12, 2022

En tant que freelance en France, vous avez le choix entre quatre statuts :

  • La SASU (à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés) ;
  • L’EURL (à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés) ;
  • L’entreprise individuelle (EI) ;
  • L’auto-entreprise ou micro-entreprise (même si à vrai dire c’est une EI avec un régime micro).

Beaucoup d’articles sur Internet vous répondront “ça dépend”. C’est vrai, mais nous allons nous concentrer ici sur notre situation : freelance en régie, staffé à temps plein, avec un chiffre d’affaires annuel entre 100k€ et 200k€.

Le match se situe surtout entre l’EURL et la SASU, mais nous parlerons aussi des deux autres. Nous allons utiliser deux axes de comparaison importants : le niveau de taxation (charges sociales + impôts) et la protection sociale.

N’hésitez pas à consulter notre 👉 simulateur de revenus en SASU vs EURL 👈

🥊  Résumé du match EURL / SASU

Il existe un certain nombre de situations dans lesquelles le choix porte plus clairement vers l’un des deux statuts.

Dans un cas plus “neutre” (célibataire sans enfant, sans autres revenus que le freelancing, sans investissement à travers la société, pas au chômage), c’est plus nuancé. On a le choix entre :

  • La SASU avec la majorité des revenus versés par du salaire, qui offre une bonne protection sociale mais dont le taux global de taxation est 10% plus élevé.
  • La SASU avec la majorité des revenus versés en dividendes, pour un taux global de taxation 10% plus faible, mais avec une protection sociale minime.
  • L’EURL, qui offre souvent le même taux de taxation que la SASU avec l’option dividendes, tout en ayant une protection équivalente à l’option SASU salaire, à l’exception de la retraite. En faisant le choix de se verser 10% de moins, le gérant d’EURL peut placer la différence dans des contrats de retraite supplémentaire (ex. PER) et bénéficier d’une retraite encore meilleure que la SASU en option salaire. C’est pourquoi nous trouvons que l’EURL offre le meilleur rapport protection sociale / cotisations (on pourrait dire ”qualité / prix” !).

Situation
Statut recommandé
Pourquoi ?
Vous n’êtes dans aucun des cas spécifiques ci-dessous.
EURL (à l’IS)
L’EURL offre selon nous le meilleur rapport protection sociale / cotisations et impôts.
La base imposable de votre foyer est très élevée : vous êtes célibataire sans enfant et vous avez d’autres revenus que le freelancing, ou vous avez un conjoint qui gagne beaucoup plus d’argent que vous.
SASU (à l’IS)
La SASU ouvre la porte au système des dividendes et donc à la “flat tax” ; cela vous donne la possibilité de limiter votre impôt sur le revenu à 12,8% maximum.
La base imposable de votre foyer est plus faible que si vous étiez célibataire sans enfant, par exemple avec un conjoint qui gagne moins d’argent que vous, et/ou des d’enfants.
EURL (à l’IS)
Si vous ne payez pas beaucoup d’impôts sur le revenu, les économies peuvent toujours se faire sur les cotisations sociales. Celles de l’EURL sont plus basses qu’en SASU, et même si vous choisissez l’option dividendes de la SASU, il faudra toujours payer l’impôt sur les sociétés + les prélèvements sociaux.
Vous souhaitez faire de votre société une “holding” et investir avec de façon à constituer un patrimoine.
SASU (à l’IS)
Si vous souhaitez constituer un patrimoine avec votre société, vous ferez probablement le choix de ne pas vous verser une partie de vos bénéfices certaines années, afin de les garder de côté pour d’autres investissements. Si plus tard vous souhaitez retirer cet argent, vous serez imposés sur les dividendes (donc taux d’imposition intéressant en SASU, pas du tout intéressant en EURL).
Vous voulez toucher le chômage (ARE) en même temps que vous facturez vos clients
SASU (à l’IS)
Vous pouvez choisir de garder l’argent dans la société et de vous payer plus tard en dividendes, quand vous ne serez plus affilié à Pôle Emploi. C’est aussi possible en EURL, mais les dividendes sont fortement taxés.

📈 La SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle)

La SASU est très commune chez les freelances, parce qu’elle ouvre la porte au système des dividendes. En effet, en SASU, il existe deux manières de se rémunérer :

  • Les rémunérations de dirigeant, qui s’approchent d’un salaire. Elles permettent de se payer tous les mois, et de bénéficier d’une bonne protection sociale. Toutefois, le niveau de charges sociales est élevé, sur le même principe que pour un salarié : charges patronales + charges salariales. Au total, cela représente environ 45% du salaire brut ou 75% si on calcule par rapport au salaire net. À cela s’ajoute l’impôt sur le revenu du dirigeant au barème progressif.
  • Si vous souhaitez savoir combien vous toucheriez en choisissant l’option de la rémunération de dirigeant plutôt que les dividendes, vous pouvez utiliser ce simulateur :

  • Les dividendes, qu’on peut se verser une fois par an. Quand au début de l’année suivante le bilan de l’entreprise est constitué, les bénéfices sont calculés : il s’agit du chiffre d’affaires moins les charges incluant les éventuelles rémunérations du dirigeant au cours de l’année. Les bénéfices sont soumis à l’impôt sur les sociétés (15% jusqu’à 38120€ et 25% au-delà). On peut alors décider de se verser tout ou partie du bénéfice net résiduel en “dividendes”. L’impôt sur le revenu du dirigeant s’applique alors sur le montant passé en dividendes :
    • Soit une flat tax (appelée en France le PFU pour Prélèvement Forfaitaire Unique) de 30%, qui inclut 17,2% de prélèvements sociaux et 12,8% d’impôts ;
    • Soit une imposition au barème progressif “standard”, c’est-à-dire avec le même système de tranches que lorsque l’on est salarié, calculé après un abattement de 40%. À cela s’ajoutent 17,2% de prélèvements sociaux (calculés avant l’abattement 🙂).
    • Pour résumer l’option des dividendes :

      Dividendes nets = bénéfices - impôt sur les sociétés (calculé sur les bénéfices) - impôts (flat tax ou barème progressif, calculé sur le résiduel après impôt sur les sociétés)

      💡
      Par défaut, la SASU fonctionne sur le régime de l’impôt sur les sociétés (IS). Il est néanmoins est possible de demander à être sur le régime de l’impôt sur le revenu (IR) ; dans ce cas, les bénéfices sont imposés au barème progressif. Le régime de l’IR est rarement avantageux pour une SASU : il offre une fiscalité plus basse seulement si l’entreprise fait peu de bénéfices, et ce n’est pas notre hypothèse. Par ailleurs, l’option est uniquement valable pour 5 ans, et de nombreuses parts d’ombre existent dans son application.

Il n’est pas recommandé de tout se verser en dividendes sans la moindre rémunération : les dividendes n’ouvrent l’accès à aucune protection sociale de base (ex. assurance maladie, arrêts de travail, retraite). De plus, la taxe “PUMa” sur les dividendes s’ajoute en l’absence de rémunération.

L’approche des freelances en SASU est donc souvent de se verser une rémunération mensuelle minimale, de l’ordre de 1000€ brut, afin d’avoir un minimum de protection sociale et les trimestres de retraite. À la fin de l’année, ils se versent tout le reste (donc l’essentiel) en dividendes à la fin de l’exercice fiscal.

Nous devons vous alerter sur le fait que même si ce modèle est très commun, il existe un réel risque de requalification des dividendes en salaire en cas de contrôle. L’Urssaf peut considérer que le dirigeant perçoit des dividendes excessifs par rapport à sa rémunération, et demander à payer les charges sociales associées aux salaires qui auraient dû être payés tout ce temps 😱.

En termes de protection sociale, le président de SASU (vous) est assimilé salarié. Il est donc affilié au régime général, et est dans la même situation qu’un salarié (sauf pour le chômage bien sûr). Par contre, vous ne cotisez que sur votre salaire. Donc si vous vous versez 1000€ bruts par mois et tout le reste en dividendes, votre retraite et vos indemnités journalières en cas d’arrêt de travail seront calculées sur cette base.

Scénario 100% rémunération

Pour 135 000€ disponibles (150 000€ de chiffre d’affaires - 15 000€ de frais), intégralement utilisés en rémunération (salaire) :

  • 135k€ permet de se verser une rémunération nette imposable d’environ 78k€, après avoir payé 37k€ de charges patronales et 20k€ de charges salariales (les charges sociales représentent donc 42% du montant disponible initialement dans ce cas). On appelle ces 135k€ un revenu brut chargé, ou “super-brut”.
  • L’impôt sur le revenu au barème progressif s’applique sur le résiduel après les charges sociales, il est d’environ 16k€, il reste donc ~62k€.

On arrive à un niveau de taxation global de l’ordre de 54%.

Scénario 10% rémunération 90% dividendes

Pour 135 000€ disponibles (150 000€ de chiffre d’affaires - 15 000€ de frais), une rémunération mensuelle de 800€ net imposable, et le reste en dividendes :

  • La rémunération mensuelle de 800€ net imposable coûte 677€ de charges sociales (patronales + salariales) par mois, soit un coût total de 1477*12 = ~18 000€ par an pour la société.
  • Le bénéfice brut est de 150 000 - 15 000 - 18000 = 117 000€.
  • L’impôt sur les sociétés sur ces 117k€ est d’environ 25 000€.
  • Le bénéfice net est donc de 117 000 - 25 000 = 92 000€. Vous choisissez de tout passer en dividendes :
    • Avec l’option flat tax à 30%, l’impôt s’élève à 27 600€, donc un résiduel de 64 400€. Il y a également de l’impôt sur le revenu à payer sur la rémunération versée pendant l’année, mais comme elle est très faible, cet impôt est de 0€. Si l’on ajoute les 800 * 12 = 9 600€ de rémunération mensuelle, cela fait 74 000€.
    • Avec l’option pour le barème progressif, la base imposable est de 55 200€ (dividendes avec abattement de 40%) + 9 600€ (rémunération annuelle) = 64 800€. Cela génère environ 12300€ d’impôt sur le revenu. Par ailleurs, il faut également payer 17,2% de prélèvements sociaux sur les 92 000€ de dividendes, soit 15 800€. Il reste donc 92 000 - 12 300 - 15 800 = 63 900€. Si l’on ajoute les 800 * 12 = 9 600€ de rémunération mensuelle, cela fait 73 500€.
    • Ici, la flat tax est légèrement plus intéressante. Pour décider dans votre cas précis, vous pouvez utiliser 👉  notre simulateur 👈. Il y a aussi le simulateur de l’Urssaf, mais il ne tient pas compte de votre rémunération tout au long de l’année, qui est importante pour calculer la véritable base d’imposition.

On arrive à un niveau de taxation global de l’ordre de 45%.

La SASU est recommandée dans les cas suivants :

  • Si la base imposable de votre foyer fiscal est élevée (ex. un conjoint qui gagne beaucoup plus d’argent que vous, et pas d’enfants), le système des dividendes et la flat tax associée vous permettent de ne pas dépasser 12,8% d’impôts sur le revenu.
  • Vous souhaitez constituer un patrimoine avec votre société en faisant le choix de ne pas vous verser une partie de vos bénéfices certaines années. En effet, la SASU peut être intéressante si vous voulez que votre société devienne une sorte de “holding”, c’est-à-dire que vous souhaitez construire un patrimoine en investissant avec la trésorerie de votre société dans l’immobilier, dans d’autres sociétés ou d’autres types d’actifs. Dans ce cas, vous allez probablement ne pas vous distribuer l’intégralité de vos bénéfices en dividendes à la fin de l’année - vous allez en conserver une partie en “report à nouveau” ou en réserves.
  • Vous paierez alors l’impôt sur les sociétés sur ces bénéfices, et vous pourrez utiliser le résiduel pour investir. Le jour où vous souhaitez “sortir” cet argent pour l’utiliser à titre personnel, vous pouvez décider de le distribuer en dividendes et vous n’aurez plus qu’à payer la flat tax ou l’impôt sur le revenu au barème progressif comme d’habitude (donc autour de 45% de taxation globalement).

  • Si vous voulez toucher le chômage (ARE) en même temps que vous facturez vos clients, vous pouvez choisir de garder l’argent dans la société et de vous payer plus tard avec les dividendes afin de ne pas déclarer de revenus auprès de Pôle Emploi. C’est aussi possible en EURL, mais les dividendes sont fortement taxés.

Par contre, vous avez le choix entre :

  • Vous verser la majorité de vos revenus en dividendes, pour maximiser les revenus mais avec les conséquences suivantes :
    1. Risque de requalification des dividendes en salaire.
  • Ou vous verser la majorité de vos revenus en salaire, pour “acheter votre protection sociale” moyennant un taux d’imposition global 10% plus élevé.

🏄  L’EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée)

En EURL, il existe aussi deux façons de se payer :

  • En rémunération, qui peut être versée au gérant majoritaire (vous) à n’importe quel moment, par exemple tous les mois comme un salaire. Dans ce cas, il faut payer :
    • Des cotisations sociales calculées sur votre revenu net, dont le pourcentage exact dépend de votre revenu, mais dans notre cas autour de 40% des revenus nets (ou 28% des revenus bruts).
    • L’impôt sur le revenu, calculé sur le montant résiduel.
  • En dividendes, qui peuvent être distribués en début d’année suivante si la société a généré un bénéfice. Il faut alors payer :
    • L’impôt sur les sociétés (15% jusqu’à 38120€, 25% au-delà), calculé sur le bénéfice brut ;
    • Les cotisations sociales sur le bénéfice net, au même taux que sur la rémunération nette (autour de 40%). Pour être plus précis, elles s’appliquent sur les dividendes qui dépassent 10% des fonds propres (capital social + apport en compte courant + primes d’émission) de l’entreprise. En dessous de ce seuil, il y a tout de même 17,2% de prélèvements sociaux à payer.
    • L’impôt sur le revenu, en flat tax (12,8% d’impôts) ou au barème progressif après abattement de 40%.

Mises bout à bout, les taxes sur les dividendes montent à un total d’environ 65% du montant disponible initialement ! C’est pourquoi la grande majorité des freelances en EURL se versent tout leur résultat en rémunération. La société ne réalise donc pas de bénéfice, et il n’y a pas d’impôt sur les sociétés à payer (si cette option a été choisie) et pas de dividendes versés.

Pour résumer :

Rémunération = bénéfices - cotisations sociales - impôts sur le revenu (barème progressif, calculé sur le résiduel après les cotisations sociales)

Pour 135 000€ disponibles (150 000€ de chiffre d’affaires - 15 000€ de frais), et le reste versé totalement en rémunération :

  • Les cotisations sociales sont d’environ ~38k€ (n’hésitez pas à utiliser le simulateur de l’Urssaf pour les calculer, parce qu’elles dépendent de beaucoup de facteurs), il reste ~96k€.
  • L’impôt sur le revenu (pour un célibataire sans enfant et sans autre source de revenu) est de ~22k€ et il reste ~74k€.

On arrive à un niveau de taxation global de l’ordre de 45%.

Si vous vous souvenez bien, c’est le même taux qu’en SASU avec l’option la plus favorable (90% dividendes, 10% rémunération). Sauf que :

  • Puisque vous cotisez sur des rémunérations élevées, votre protection sociale est meilleure qu’avec une SASU qui fonctionne avec l’option dividendes. Et ce même si vous avez le statut de travailleur non salarié (TNS), affilié à la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI), qui a une protection légèrement moins complète que le président de SASU assimilé salarié.
  • Si la base d’imposition de votre foyer fiscal est plus basse (par ex. parce que vous êtes pacsé/marié avec quelqu’un qui a un revenu inférieur au vôtre, ou que vous avez des enfants), le niveau de taxation baisse largement et l’EURL devient particulièrement intéressante.
  • Vous pouvez vous verser vos rémunérations, quand vous le souhaitez. Pas besoin d’attendre la fin de l’année pour établir le bilan comme en SASU avec l’option dividendes.

Par contre, l’EURL est moins intéressante dans les cas suivants :

  • Si vous voulez que cette société soit votre holding : si un jour vous voulez sortir l’argent précédemment mis en report à nouveau pour de l’investissement, vous n’aurez pas d’autre choix que de le verser en dividendes, avec le niveau de taxation que cela implique en EURL. Mais il est toujours possible de créer une SASU comme société mère avec une EURL comme société fille. Ce montage peut se faire dès la création ou plus tard quand le besoin se présente.
  • Si vous venez d’ouvrir vos droits Pôle Emploi : vous devrez attendre jusqu’à 2 ans avant de vous verser vos revenus, donc EURL vous n’aurez pas d’autre choix que de verser cet argent en dividendes, donc fortement imposés. Par ailleurs, des cotisations sociales minimales d’environ 1000€ sont dues en l’absence de rémunération.
  • Si la base imposable de votre foyer fiscal est élevée, votre impôt sur le revenu risque d’être très élevé.

EURL à l’IS ou à l’IR ?

Dans une EURL à l’IR, vous êtes imposés sur la totalité de votre bénéfice (généralement en BNC pour les activités de prestation de services). Il n’est pas possible de se verser des dividendes, on peut dire que c’est comme si vous n’aviez pas d’autre choix que de tout passer en rémunération. On préfère l’EURL à l’IS pour quelques raisons :

  • Elle donne la possibilité de garder de l’argent en réserve dans la société, par exemple pour faire des investissements. Lorsque vous vous verserez cet argent en dividendes, il sera fortement imposé (15 à 20% plus qu’avec de la rémunération), mais c’est possible.
  • En EURL à l’IS, la rémunération du gérant bénéficie d’un abattement pour frais professionnels de 10% avant calcul de l’IR (jusqu’à 12829€ d’abattement), et vous avez aussi l’option de déclarer vos frais réels. En EURL à l’IR, seuls les frais réels sont possibles, et il est parfois difficile d’atteindre l’équivalent des 10% d’abattement.
  • Si vous souhaitez placer votre EURL dans un montage avec le régime mère-fille ou celui de l’intégration fiscale, la société mère et la société fille doivent toutes deux être soumises à l’impôt sur les sociétés.

🛡️  Protection sociale en SASU (option 100% rémunération) vs EURL

On entend souvent que le statut de travailleur non salarié (TNS) du gérant majoritaire d’EURL est moins bien protégé que celui d’assimilé salarié du président de SASU. Qu’en est-il concrètement ?

On met de côté ici la SASU avec l’option dividendes, parce qu’elle ne tient pas la comparaison avec les autres du fait de ses cotisations sociales très faibles. Elle n’offre qu’une retraite minimale, et des indemnités journalières faibles en cas d’arrêt de travail ou de maternité / paternité. On se concentre donc sur l’option SASU 100% salaire, par rapport à l’EURL.

Prenons le sujet point par point :

  • Maladie, hospitalisation, médicaments : même couverture.
  • Pension de retraite : elle est meilleure en assimilé salarié qu’en TNS puisque le TNS cotise beaucoup moins. Nous ferons un article détaillé sur le sujet de la retraite du dirigeant, qui est assez complexe.
  • Indemnisations en cas d’arrêt de travail : elles sont meilleures en TNS (plafond à environ 56€ / jour vs 46€ / jour en assimilé salarié), mais il y a 3 jours de délai de carence en TNS. Plus de détails dans cet article.
  • Invalidité, décès : même couverture.
  • Prise en charge des frais de santé, d’invalidité et de décès en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle : contrairement à l’assimilé salarié, le TNS n’est pas couvert sur ces aspects. Il est donc recommandé de souscrire à l’assurance volontaire individuelle AT/MP ; le taux de cotisation dépendra de votre secteur d’activité, mais pour beaucoup de freelances il est l’ordre de 0,5% des revenus. Si vous êtes développeur informatique, vous vous demandez peut-être quel accident de travail peut bien vous arriver, mais sachez que cela inclut aussi l’accident de trajet, survenant pendant le trajet entre votre domicile et votre lieu de travail.
  • Maternité / paternité : couverture très proche. À revenu égal, les indemnités journalières sont plus basses en TNS, mais sont compensées par une allocation forfaitaire de repos dans le cas de la maternité. N’hésitez pas à utiliser le simulateur de l’Assurance Maladie.
  • Chômage : les deux statuts ne cotisent pas et n’y ont donc pas droit, à part éventuellement avec l’Allocation des travailleurs indépendants (ATI), au maximum de 800€ / mois et soumises à conditions.

À part la prise en charge des frais de santé en cas d’accident de travail qui est facilement couverte par une option du TNS, on voit que la différence se fait essentiellement sur le sujet de la retraite.

On pourrait donc dire que vous payez 10% de plus en assimilé salarié pour avoir une bonne retraite. Mais en réalité, vous pouvez en TNS faire le choix de vous verser une rémunération plus faible, et de placer la différence sur un contrat de retraite supplémentaire, le fameux plan épargne retraite. Ces placements sont plus ou moins défiscalisés, donc si vous vous versez 1500€ net d’impôt de moins chaque mois, c’est en fait près du double que vous pourrez placer sur un PER. Dans ce cas, la retraite du gérant d’EURL sera bien meilleure que celle du président de SASU, même si ce dernier choisit l’option 100% salaire. N’hésitez pas à consulter cet article sur le sujet.

On peut dire que le rapport prestations sociales / cotisations est plus intéressant en TNS. Cela s’explique par plusieurs facteurs, notamment le fait que les cotisations de retraite complémentaire Agirc-Arrco sont appelées sur un taux de 127%, c’est-à-dire qu’une partie de vos cotisations ne sert pas à vous faire gagner des points de retraite, mais à soutenir le déficit de ces organismes.

🧐 Pourquoi pas l’auto-entreprise ou l’entreprise individuelle ?

L’auto-entreprise : le fameux plafond de chiffre d’affaires

C’est l’option la plus simple sur le plan administratif : sa création est gratuite et très rapide, vous n’avez pas besoin de compte bancaire professionnel (au moins pour la première année), et elle n’est pas soumise à la TVA.

Toutefois (parce que ce serait trop simple 😅), le chiffre d’affaires annuel sur une auto-entreprise est limité ! Il existe deux seuils :

  • À partir de 34 400€, vous devenez soumis à la TVA. Cela signifie que vous devez ajouter la TVA dans vos factures à vos clients, et vous devez faire des déclarations régulières de TVA auprès des impôts.
  • À partir de 72 600€, vous ne pouvez plus rester sur le régime de l’auto-entreprise, et vous serez basculés automatiquement sur une entreprise individuelle. Une nuance importante : cela n’est vrai que si le dépassement de chiffre d’affaires a lieu pendant 2 années consécutives. Certaines personnes choisissent donc volontairement de commencer leur activité de freelance avec une auto-entreprise et de dépasser allègrement le plafond pendant 2 ans avant de passer en EI (ou de fermer leur auto-entreprise et passer sur une SASU ou EURL).

Note : ces plafonds sont propres aux activités de prestations de service et aux professions libérales (c’est nous), ils sont plus élevés par exemple pour les activités commerciales.

Concernant les cotisations sociales et les impôts :

Cela donne :

Revenus nets = CA - cotisations sociales - impôts au barème progressif après abattement

Revenus nets = CA - CA * 22% - CA * 66% * taux d’imposition au barème progressif

Pour 150k€ de chiffre d’affaires, on obtient donc :

  • ~116k€ après paiement des cotisations sociales
  • ~90k€ après paiement des impôts
  • Cependant, il n’est pas possible de faire des frais en auto-entreprise, ils sont déjà pris en compte dans l’abattement de 34% dont vous bénéficiez. Si vous faites 15 000€ de frais par an, on peut dire que vous en “perdez” environ les deux tiers par rapport à un autre statut (les 40% de charges et impôt, plus la TVA). Considérons ainsi qu’il reste environ ~80k€ pour comparer avec les autres statuts.

Le niveau de taxation global est donc de l’ordre de 40%.

Voici le simulateur de l’URSSAF pour l’auto-entreprise si vous souhaitez estimer votre revenu net en fonction de votre chiffre d’affaires :

💡
Le versement libératoire : C’est assez rare pour les personnes qui s’apprêtent à devenir freelance, mais si votre revenu fiscal de référence de l’année N-2 ne dépasse pas 25710€ pour une personne seule ou 51420€ pour un couple pacsé/marié, vous pouvez bénéficier de ce que l’on appelle le versement libératoire de l’impôt sur le revenu. En bref, vous bénéficiez d’un taux d’imposition fixe de 2,2% au lieu du barème progressif, jusqu’à ce que la condition sur le revenu fiscal de l’année N-2 ne soit plus vraie ou que vous ayez le plafond de chiffre d’affaires de l’auto-entreprise sur l’année N-1.

En conclusion : l’auto-entreprise permet en théorie de baisser son niveau de taxation global de 5% par rapport aux autres options, toutefois le dépassement de chiffre d’affaires implique beaucoup de complications : situation temporaire, passage sur un autre statut à l’issue des 2 ans pouvant être complexe sur le plan comptable. Par ailleurs, ce n’est pas sans une certaine prise de risque en cas de contrôle ; nous n’avons pas eu de retour d’expérience sur ce dernier point, mais il sera probablement difficile de justifier que vous ne saviez pas que vous alliez faire le double du plafond deux ans d’affilée.

L’entreprise individuelle : une EURL à l’IR simplifiée

L’entreprise individuelle n’est pas formellement une société, c’est un statut simplifié :

  • Pas de notion de capital social à apporter à la création ;
  • Création simplifiée, pas de statuts à rédiger notamment et frais administratifs réduits ;
  • Comptabilité simplifiée (au point que certains font le choix de se passer d’un comptable).

C’est le même fonctionnement que l’EURL : le dirigeant a le statut de travailleur non salarié, avec les mêmes charges sociales et la même imposition. L’EI est imposable à l’impôt sur le revenu, mais depuis récemment il est aussi possible de demander une “assimilation à l’EURL” et ainsi avoir l’option d’être imposé à l’IS. Le fonctionnement et la comptabilité deviennent alors très proches d’une EURL mais il n’y a pas de société à proprement parler, pas de statuts ou d’annonce légale notamment.

N’hésitez pas à utiliser le simulateur de revenus de l’URSSAF pour l’EI :

Par le passé, il était plutôt recommandé de faire une EURL qui offrait une séparation formelle entre les biens personnels et professionnels : par exemple, si votre société fait faillite et que vous avez 50k€ de dette, il n’était pas possible de saisir votre voiture personnelle ou votre logement pour rembourser ces dettes. Depuis 2022, ce n’est plus totalement vrai : toutes les dettes contractées par une EI après le 15 mai 2022 ne peuvent pas mener à une saisie des biens personnels (certains aspects restent toutefois à préciser).

Alors l’entreprise individuelle est effectivement une alternative possible à l’EURL, pour faciliter un peu la création de l’entreprise et certaines formalités. Toutefois, on recommande encore l’EURL à l’IS ici pour plusieurs raisons :

  • Pour les raisons évoquées plus haut, nous avons une préférence pour l’option de l’imposition à l’IS. Dans l’EI, cette option implique l’assimilation à l’EURL qui est très récente (précisions sur ce statut apportées en juin 2022). Nous n’avons pas encore beaucoup de retours d’expérience sur son implication et ce sera aussi le cas de nombreux comptables que vous solliciterez pour vous accompagner.
  • On parle de comptables car dans ce cas les obligations comptables sont très proches d’une EURL et il paraît compliqué de gérer sa comptabilité soi-même.
  • L’EURL donne la possibilité d’accueillir de nouveaux associés sans trop de difficultés (cession de parts et/ou augmentation de capital) et de ne céder que partiellement l’entreprise, contrairement aux entreprises individuelles qui ne peuvent être vendues qu’en intégralité.